Le fédéral doit livrer les compensations promises

 

Alors que l’automne s’installe, les producteurs de lait sont toujours en attente d’une annonce du gouvernement en ce qui concerne les compensations promises pour les parts de marchés sacrifiées afin de permettre au Canada de conclure trois accords commerciaux : l’Accord économique et commercial global (AECG), le Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM).

Rappelons que les concessions de marchés faites dans ces trois accords représentent 450 millions de dollars en perte de ventes de lait, pour un total de 8,4 % de la production. S’ajoutent à cela les autres concessions faites dans l’ACEUM, soit l’élimination de la classe d’ingrédients et le plafonnement des exportations de poudre de lait écrémé qui, très certainement, vont générer d’importants coûts additionnels.

Non seulement les conséquences de ces accords se font déjà sentir, mais en plus, la cerise sur le sundae, l’entrée en vigueur prématurée de l’ACEUM le 1er juillet dernier, plutôt qu’au 1er aout comme convenu, causera des pertes supplémentaires pour les producteurs et les transformateurs laitiers en devançant d’une année le plafond de 35 000 tonnes pour les exportations de poudre de lait écrémé et de concentrés protéiques.

Sans compter que le gouvernement n’a toujours pas annoncé le détail des prochains versements du programme de compensations pour l’AECG et le PTPGP. Ce programme a pourtant déjà été annoncé dans le budget 2019-2020 et les versements doivent s’étaler sur une période de huit ans, mais le gouvernement n’a versé que les sommes prévues pour la première année. Les producteurs ne devraient pas avoir à revivre le jour de la marmotte chaque année, pris en otages pour des considérations électorales. La stabilité et la prévisibilité sont des facteurs clés pour la réussite d’une entreprise agricole et le gouvernement devrait y contribuer plutôt que fragiliser davantage nos entreprises par son inaction.

La bataille pour les mesures d’indemnisation dure depuis sept ans. Le premier engagement a été pris sous le gouvernement Harper. Depuis, le gouvernement Trudeau s’est à maintes reprises engagé à indemniser pleinement et équitablement le secteur laitier pour les effets cumulés de l’AECG, du PTPGP et de l’ACEUM. Cet engagement a d’ailleurs été réitéré dans la motion adoptée à l’unanimité à la Chambre des Communes en octobre 2018, et selon laquelle « la Chambre demande au gouvernement de mettre en place un programme qui compense financièrement les producteurs d’œufs, de volaille et de lait pour l’intégralité des pertes qu’ils subissent à cause des brèches à la gestion de l’offre contenue dans l’AECG, le PTPGP et [l’AEUMC], et ce, avant de demander aux parlementaires de se prononcer sur [l’AEUMC]. »

Le dépôt du budget, qui était prévu en mars dernier, a été retardé en raison de la pandémie de la COVID-19. Tous les secteurs de l’économie du Québec, du monde entier même, ont été touchés par cette crise sanitaire sans précédent. Les producteurs de lait n’en font pas exception. Nous avons dû, nous aussi, nous adapter pour faire face aux fluctuations exceptionnelles du marché. Nos fermes ont été durement atteintes, que ce soit par la gestion de la production, le resserrement des mesures de biosécurité, des retards ou des annulations dans la prestation de certains services par nos fournisseurs ou de difficiles pertes de revenus.

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Nous comprenons que les premiers mois de la pandémie de COVID-19 ont nécessité toute l’attention et que celle-ci en requiert encore beaucoup. Toutefois, les accords commerciaux sont en vigueur et les dommages s’installent comme prévu. À ce stade-ci, une annonce précisant les modalités des indemnisations promises ne nuirait en rien aux efforts déployés face à la pandémie.

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Nous comprenons que les premiers mois de la pandémie de COVID-19 ont nécessité toute l’attention et que celle-ci en requiert encore beaucoup. Toutefois, les accords commerciaux sont en vigueur et les dommages s’installent comme prévu. À ce stade-ci, une annonce précisant les modalités des indemnisations promises ne nuirait en rien aux efforts déployés face à la pandémie. Plus que jamais, le gouvernement et les consommateurs prennent conscience de l’importance de protéger la production locale pour leur sécurité alimentaire. Le premier ministre François Legault veut même faire de la consommation locale une priorité, particulièrement pour le secteur agroalimentaire. Mais La COVID-19 a eu et continuera d’avoir des impacts financiers importants pour notre secteur qui s’ajoutent aux pertes subies par les accords commerciaux. Sans un engagement clair du gouvernement sur le soutien à long terme qu’il peut offrir à l’industrie laitière, tous ces impacts négatifs combinés auront des répercussions sur nos fermes et sur l’économie de nos régions.

Avec une contribution de 6,2 milliards de dollars au PIB québécois et ses 83 000 emplois, le secteur laitier contribue de façon importante à l’emploi et au tissu socioéconomique des régions et des communautés du Québec. Sans oublier les investissements que réalisent les producteurs chaque année pour moderniser leurs bâtiments, leurs équipements et leur machinerie. Cela représente plus de 500 millions de dollars en 2019 seulement, et près de 3 milliards de dollars en 5 ans qui retournent dans notre économie. Le gouvernement doit rapidement passer de la parole aux actes. Nos fermes laitières ne se délocalisent pas. Les compensations qui seront versées vont être dépensées et réinvesties ici.

Nous attendons du gouvernement qu’il fasse des annonces concrètes rapidement. La vice-première ministre Chrystia Freeland est très au fait des enjeux liés aux accords commerciaux. À titre de ministre du Commerce international, elle a siégé à la table de négociation de l’ACEUM. Elle était d’ailleurs aux côtés du premier ministre Justin Trudeau pour annoncer, dès la signature de l’accord, que les producteurs et les productrices de lait seraient entièrement et justement indemnisés pour toutes pertes de parts de marché.

En aout, Mme Freeland a été nommée ministre des Finances, après la démission de Bill Morneau. C’est elle maintenant qui tient les cordons de la bourse. Il lui appartient dès aujourd’hui de livrer les compensations qu’elle a elle-même promises aux côtés du premier ministre. Nous avons attendu assez longtemps, il est maintenant temps de passer à l’action!

 

SignatureDanielGobeil

 

 

 

Daniel Gobeil, président