On a eu beau expliquer qu’il s’agissait d’un sous-produit de l’alimentation humaine, qu’il est utile et que son usage a toujours été encadré et respectueux des normes gouvernementales, sa présence dans la production laitière a suscité un nombre important de réactions. Les consommateurs ne voulaient pas entendre ces nuances. Plusieurs d’entre eux ont déjà l’objectif d’évacuer l’huile de palme de leur alimentation en raison de son impact environnemental. D’autres ont aussi réagi à certains messages ou propos qui mettaient en doute nos pratiques et la qualité de nos produits laitiers.
Avec la croissance des préoccupations environnementales et de bien-être animal, les consommateurs sont de plus en plus critiques et prudents envers les produits qu’ils consomment. Ils sont exigeants, ont des attentes et font des choix basés sur leurs valeurs et leurs idéologies. Ils s’interrogent sur la provenance des aliments, critiquent la qualité, comparent les produits et réclament les meilleures pratiques. Plus que jamais nous devons prendre en considération ces demandes pour demeurer compétitifs et grandir, les choix de consommation évoluant vite. Les temps ont changé : bien loin de nous cette époque où le prix était le seul facteur décisionnel pour beaucoup de consommateurs. Selon des spécialistes, la décision d’acheter ou non un produit reposerait autant sur des éléments rationnels, comme le prix ou la qualité, que sur l’irrationnel, comme les émotions et la perception. Ils mentionnent aussi que pour créer un attachement durable et bâtir une relation de confiance avec nos consommateurs, il faut les écouter – vraiment – et répondre à leurs attentes.
L’organisation a pris le dossier très au sérieux. Maintenir le statu quo n’était pas une option. Il aurait eu pour effet d’effriter la confiance du public envers notre industrie et nos produits, une situation perdante pour nous tous. Il était de notre responsabilité de réagir vite et de poser un geste concerté et significatif pour démontrer que nous étions à l’écoute. C’est pourquoi nous avons demandé aux producteurs de cesser l’utilisation de produits contenant des suppléments dérivés de l’huile de palme dans l’alimentation des vaches. Cette décision s’est prise rapidement, certes, mais elle s’inscrit en continuité d’un travail dans cette direction qui était déjà amorcé. Nous pouvons penser ici à nos investissements en recherche, entre autres pour nous aider à trouver des méthodes alternatives au manque énergétique des vaches en début de lactation. Un bon nombre d’efforts sont aussi déployés pour le développement d’outils, comme ProfiLab, qui favorisent un meilleur profil d’acide gras du lait. Finalement, notre politique de paiement, qui débutera le 1er aout 2021, a été élaborée avec l’objectif de ne pas introduire de changements sur le profil de nos composants, et témoigne aussi de notre volonté déjà existante de retirer ces suppléments de l’alimentation de nos vaches.
Il est certain que cette nouvelle façon de faire, comme tout changement, amène une période d’incertitude. Nous devons toutefois garder en tête que c’est par un travail concerté et solidaire de l’ensemble des producteurs et de la filière que nous relèverons les défis pour nous adapter à cette nouvelle réalité. C’est pourquoi nous avons demandé aux fabricants d’aliments d’ajuster leurs recettes et aux conseillers en alimentation de nous appuyer dans ces changements. Notre organisation, l’Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière (AQINAC) et Lactanet ont amorcé un travail de filière pour permettre aux producteurs de répondre aux attentes des consommateurs. Il ne faut d’ailleurs pas hésiter à recourir aux expertises des conseillers qui sont là pour faciliter notre adaptation. Nous serons également à l’affut des conclusions qui émaneront des travaux – déjà amorcés – du comité d’experts sur le sujet qui a été mis en place par Les Producteurs laitiers du Canada.
___________________________________
Maintenir le statu quo n’était pas une option. Il aurait eu pour effet d’effriter la confiance du public envers notre industrie et nos produits, une situation perdante pour nous tous. Il était de notre responsabilité de réagir vite et de poser un geste concerté et significatif pour démontrer que nous étions à l’écoute.
___________________________________
Les producteurs ont écouté les consommateurs et entrepris des démarches pour trouver des solutions. Toutefois, le débat sur l’utilisation de l’huile de palme n’est pas propre à l’industrie laitière. Nous espérons que l’ensemble de l’industrie alimentaire se penchera sur la question, l’huile de palme étant largement utilisée comme ingrédient dans l’alimentation humaine. Maintenant, le gouvernement et les transformateurs doivent être cohérents dans leurs actions. Ils doivent appliquer la réciprocité des normes sur tous les produits et ingrédients laitiers importés. Des discussions sont d’ailleurs entamées et nous nous assurerons d’être entendus dans ce dossier.
Nous faisons face à un défi important : celui de maintenir la confiance des consommateurs envers notre profession et notre produit. Leur position est claire et sans équivoque : ils n’aiment pas que ce produit soit utilisé en production laitière. Être proactifs et prendre les devants, c’est le travail de notre organisation, mais aussi de chacun de nous. Avec notre programme de certification proAction, nous avons le moyen de nous engager concrètement dans des efforts d’amélioration continue. Nous pouvons rassurer le public sur nos pratiques de gestion saine et responsable des animaux et de l’environnement, puis le convaincre que nous avons à cœur de pratiquer un mode de production durable d’aliments de haute qualité, salubres et nutritifs.
Dans chacun des dossiers et chacune des décisions prises par le conseil d’administration, les élus gardent le cap sur la mission de l’organisation: Rassembler les producteurs de lait du Québec par son leadership dans la mise en marché d’un lait de grande qualité, répondant aux attentes de la société, et assurer le développement durable des fermes laitières. C’est ce qui nous a guidés lorsque nous avons décidé de ne plus utiliser de suppléments dérivés de l’huile de palme dans l’alimentation de nos vaches. La décision de prendre le leadership dans ce dossier a été saluée. Nous pouvons être fiers d’être à l’écoute de nos consommateurs et de pouvoir leur démontrer notre volonté de faire toujours mieux.
Daniel Gobeil, président
Télécharger l’éditorial du président